Mes cherEs camarades,
Mon premier souvenir politique est le 10 mai 1981, à 20h00, le visage de François Mitterrand qui s’affiche, façon minitel, sur l’écran de la télévision, chez des amis de mes parents. Immédiatement la liesse dans les rues de Tourcoing et la foule sur le parvis de l’hôtel de ville.
Ensuite mon engagement militant a été constant : Elu étudiant, militant syndical, militant puis responsable socialiste. J’ai passé ainsi des années en réunion, en écriture de textes, en défense de motions et de textes. J’ai collé, distribué, participé… et j’ai été candidat au nom de notre Parti pour proposer un programme local ou participer à un projet global pour les départementales, les régionales.
J’ai subi comme nous tous le 21 avril 2002 et j’ai pleuré avec les camarades… J’ai fêté la victoire le 6 mai 2012 avec les camarades et nos partenaires de gauche. Dans la foulée, j’ai poursuivi la campagne en tant que candidat aux législatives et j’ai, dans une circonscription redécoupée pour la droite, promis que notre gouvernement ferait ce à quoi notre Président s’était engagé, que nous respecterions nos promesses, que la sécurité était une valeur de gauche mais que l’ennemi c’était la finance, que bien sûr tout le monde était important mais que la priorité ce serait la jeunesse et l’emploi, que nous serions présents, à l’écoute, attentifs à toutes et tous…
Le 17 juin, notre circonscription restait à droite mais le parlement basculait à gauche et je fêtais les camarades élus avec la satisfaction du devoir accompli, empli de la certitude que le changement c’était maintenant et que nous allions faire de grandes choses ensemble !
Depuis cette date, nous avons fait de belles choses : le mariage pour tous, les embauches dans l’éducation nationale, les retraites pour les personnes ayant commencé à travailler tôt, la prime de rentrée scolaire, la tranche à 45% des impôts, le renforcement de la loi SRU…
Malheureusement nous avons du accepter bien des renoncements : le droit de vote des étrangers aux élections locales, le récépissé de contrôle d’identité, la fermeture de Fessenheim, la part de proportionnelle aux législatives…
Et finalement, nous avons surtout eu des mauvaises surprises dont nous n’avions jamais débattu ni même discuté, pour lesquelles le parti n’avait jamais pris position : le CICE, la loi Macron, la déchéance de nationalité (heureusement avec un retour en arrière… non non ne me parlez pas de circonstances exceptionnelles, c’est une question de valeurs !) et finalement la remise en cause du droit du travail…
Je ne peux pas oublier non plus les défaites électorales cuisantes successives : municipales, départementales, régionales, européennes et toutes les partielles sauf une ! Nous n’avons rien fait pour corriger le tir, reprendre l’initiative, écouter et réentendre nos concitoyenNEs et leur montrer que nous allions vers eux, avec eux pour un avenir meilleur. Pire ! C’est sous notre présidence et notre gouvernement que le Front National a atteint ses meilleurs scores et obtenus le plus d’élus qu’ils n’ont jamais eu… et pour quelle réaction ?
Aujourd’hui, comme nous nous y attendions même si j’espérais qu’il n’irait pas jusque là, Manuel Valls a de nouveau forcé la main au Parlement en faisant valider par un Conseil des Ministres exceptionnel le recours au 49.3 pour adopter un texte sans discussion au Parlement. Comme pour la loi Macron, il a refusé à la gauche de pouvoir débattre et améliorer un texte essentiel pour l’avenir des françaisEs alors que cela n’a déjà pas été fait par les militantEs. Avec ses 5% aux primaires, il dirige et décide au nom du gouvernement de la ligne « socio » libérale de la politique menée sans rien vouloir transiger ni négocier avec la gauche, partenaire pourtant essentielle de la victoire de 2012.
A droite les digues cèdent face à la droite extrême voir même l’extrême droite et à gauche tous les ponts sont rompus ! Et aujourd’hui encore on creuse les fossés permettant de nous rejoindre avant des échéances essentielles pour notre pays et notre République !
Le 10 mai 1981, sans le savoir, je suis devenu socialiste, en 1997 j’ai adhéré au PS et en 1998 j’ai eu mes premières responsabilités locales. En 2002 j’ai intégré le collectif fédéral pour travailler ensemble après le choc du 21 avril.
Pendant toutes ses années, j’ai porté la voix de la gauche que j’entendais lors des réunions, dans mes différentes fonctions associatives, syndicales, dans mes engagements quotidiens… Pendant toutes ses années, j’ai mené un combat collectif pour essayer de changer l’avenir en mobilisant les forces d’un parti auquel je croyais.
J’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de militants sincères et de gens formidables que j’ai vu rester sans espoir ou partir désespérés… et quand j’avais le blues je pensais à la phrase de Pierre Mauroy « si tous les dégoûtés s’en vont, il ne restera que les dégoûtants ! » et je restais pour maintenir l’espoir, rêver l’avenir, changer de l’intérieur notre parti…
Aujourd’hui, ce n’est plus possible. C’est la mort dans l’âme, la larme à l’œil mais la main ferme que je viens remettre ma démission du Parti Socialiste.
Je ne peux plus cautionner ce qui se passe au sein de notre Parti qui se range derrière un gouvernement qui agit en notre nom sans jamais nous rendre de compte et nous écouter, qui nous précipite dans le rejet des françaisEs pour longtemps, qui discrédite le socialisme et les militants socialistes !
Je ne veux plus être associé à une politique que je n’ai pas proposé aux électrices et électeurs lors de la campagne sous notre logo parce que je n’ai pas l’habitude de trahir mes engagements !
Ce soir, je quitte le Parti Socialiste parce que je reste socialiste !
Avec mes salutations solidaires et citoyennes.