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Le blog de JEROME Dehaynin

Le blog de JEROME Dehaynin

Réactions et informations sur l'actualité politique de la ville de Wasquehal, du canton, du département et de la région ainsi que de la politique nationale


Ouverture du mariage au couple de même sexe : Discussion de la proposition de loi déposée par les députés socialistes

Publié par jérôme dehaynin sur 10 Juin 2011, 04:30am

Catégories : #France

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sandrine Mazetier.

M. Marcel Rogemont. J’espère qu’elle va corriger la vision étriquée du ministre !

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a douze ans, au siècle dernier, en 1999, était adopté le PACS, première reconnaissance de droits pour les couples de même sexe. Je veux saluer ici la douce opiniâtreté du rapporteur, Patrick Bloche, qui, inlassablement, a conduit, avant l’adoption du PACS et depuis lors, cette patiente bataille de l’égalité, cet indispensable combat du droit à l’indifférence.

C’était il y a douze ans, c’était au siècle dernier, et je veux revenir sur les arguments développés alors par les adversaires les plus résolus du PACS. Je n’évoquerai pas les insultes et les anathèmes, qui souilleraient le temple de la République qu’est cet hémicycle, mais je veux revenir sur les craintes alors exposées et les prophéties de celles et ceux qui voyaient dans le PACS une terrible menace pour la société et la civilisation.

Certains y voyaient une insupportable menée communautariste, mais le PACS est tout l’inverse. Il a correspondu à la création d’un nouveau droit pour tous dont se sont saisi tous les couples : 94 % des pacsés de 2010 sont des couples hétérosexuels.

Certains annonçaient la fin du mariage, et l’an dernier un demi-million de personnes en France ont choisi de se marier, 400 000 de se pacser.

D’autres prédisaient le retour de la répudiation des femmes. À ceux-là je rappelle que le taux de dissolution des PACS n’est que de 17 % alors que, malheureusement, de très nombreux mariages se soldent par un divorce.

Aujourd’hui, cette proposition de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe est le dernier pas à franchir dans la reconnaissance de l’égalité de tous les citoyens au sein de la République. C’est dans cet esprit que la proposition de loi a été rédigée et présentée à l’instant par Patrick Bloche.

J’ai attentivement écouté vos explications, monsieur le garde des sceaux, mais rien ne justifie plus de réserver le mariage, qui est bien autre chose qu’un contrat, à une catégorie de couples.

L’article 1er de la Constitution proclame la République indivisible, assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction. La République – vous aurez beau chercher – est parfaitement indifférente à l’orientation sexuelle des individus. Dans notre bloc de constitutionnalité, à l’article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui rappelle que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », le terme « hommes » n’est pas à prendre au sens sexuel, il inclut évidemment les hommes et les femmes, et il n’a pas été besoin d’amender la Déclaration pour que l’universalité de ces données soit évidente.

La République est indifférente à l’orientation sexuelle, mais elle ne l’est pas du tout au mariage, dont elle fait même une institution. Car le mariage est d’abord un acte public, juridique, solennel par lequel deux individus s’engagent non seulement l’un envers l’autre dans la durée, mais aussi devant et envers la société. C’est ce qui lui donne son caractère unique et, je dois le dire, très impressionnant.

Le mariage n’est pas, contrairement à ce qu’avancent certains, un engagement à faire des enfants. Patrick Bloche a rappelé que 56 % des enfants naissent hors mariage. Je rappellerai quant à moi que l’on n’interdit pas à des couples stériles de se marier ; on célèbre même des mariages sur le lit de mort de certains malades, dans les hôpitaux.

Le mariage n’a donc rien à voir avec l’instinct de reproduction, avec la procréation, qui se peut se faire et se fait aujourd’hui majoritairement sous toute autre forme que le mariage, mais il a tout à voir avec la civilisation, avec la politique, avec l’organisation de la société. C’est cette revendication d’une reconnaissance de tous dans leurs droits de citoyens qui est portée par cette proposition de loi.

Vous avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, un certain nombre de décisions. Vous avez souligné que l’Europe ne nous obligeait à rien dans ce sens, mais notre Constitution et les fondements même de notre République nous obligent à assumer nos responsabilités, telles que définies, par exemple, à l’article 34 de la Constitution, qui dispose que le législateur définit les régimes matrimoniaux.

Plus rien ne s’oppose à l’avènement de tous les citoyens à la reconnaissance dans cette institution républicaine qu’est le mariage. Nous n’avons pas été convaincus par vos arguments quand vous avez tenté d’expliquer pourquoi le Gouvernement s’oppose encore, au XXIe siècle, à cette avancée citoyenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes quelques-uns ici à garder le souvenir du 15 novembre 1999, lorsque notre collègue Patrick Bloche avait présenté sa loi sur le PACS, souvenir douloureux, amer de propos qui restent encore gravés dans notre mémoire.

Je garde aussi le souvenir ému du 5 juin 2004, lorsque j’ai célébré un mariage de personnes de même sexe à Bègles. Ce qui me choque, ce sont les 4 000 lettres d’insultes que j’ai reçues. Ce jour-là, je me suis dit que le rôle des politiques n’était pas de maintenir les gens dans l’ignorance et la peur, mais de lutter contre l’ignorance et la peur de soi-même.

Mme Pascale Crozon et Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. Noël Mamère. Je ne dis pas que les personnes qui m’ont écrit étaient animées par la haine : elles l’étaient précisément par la peur de soi.

Qu’est-ce qui nous fait peur ? Qu’est-ce qui fait peur au Gouvernement, aujourd’hui, pour ne pas suivre ce qui a été décidé par le parlement hollandais, par le parlement belge, par la très catholique Espagne, par le Danemark, la Suède, la Norvège, le Mexique, l’Argentine, l’Afrique du Sud, pays qui a vécu l’apartheid ? Et je ne cite pas ces États des États-Unis d’Amérique qui ont appliqué le principe fondamental de notre droit et du droit universel : l’égalité des droits pour tous.

En France, une majorité résiste encore, de manière réactionnaire, il faut le dire, à l’ouverture des droits pour tous. Certes, le PACS a été un progrès, mais il reste une sous-catégorie juridique, et je ne vois pas au nom de quoi, parce que l’on a choisi telle ou telle orientation sexuelle, on ne pourrait pas bénéficier des mêmes droits que tous les autres.

Aujourd’hui, des homosexuels ou des lesbiennes qui veulent se marier ne peuvent pas le faire. Cela n’est pas digne d’un pays dans lequel on veut appliquer l’égalité des droits pour tous.

Je rappelle que, dès 1993, Mme Claudia Roth, alors présidente du groupe des Verts au Parlement européen, avait rédigé une résolution et un rapport ouvrant le mariage à des personnes de même sexe. Elle a été suivie, comme je l’ai précisé il y a quelques instants, par de nombreux pays, mais la France résiste encore. Pourquoi donc, monsieur le garde des sceaux, alors que vous savez qu’une majorité de Français sont favorables à l’ouverture du mariage à des personnes de même sexe ? Nous sommes dans une situation qui n’est pas acceptable pour un pays prétendant exporter les principes démocratiques à l’étranger.

La proposition de loi de notre collègue Patrick Bloche va évidemment dans le sens que nous souhaitons. En juin 2004, les députés Verts avaient d’ailleurs déposé une proposition de loi qui allait dans le même sens.

Le texte présenté aujourd’hui s’inscrit directement dans la décision rendue par le Conseil constitutionnel après la question prioritaire de constitutionnalité. Comme on dit chez moi, à Bègles, le Conseil constitutionnel a « botté en touche » en demandant au législateur de prendre ses responsabilités ; c’est ce que nos collègues ont fait et ils doivent être salués. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Cependant, si cette proposition de loi permet des avancées, elle est encore en demi-teinte, car elle laisse de côté un sujet important. Dans les tribunes du public sont présents des responsables et des avocats qui ont fait avancer la cause de l’homoparentalité. On ne peut dissocier la question du mariage des personnes de même sexe de cette question. Vous défendez, mes chers collègues, l’homoconjugalité, vous devez défendre aussi l’homoparentalité.

Ce ne sont pas des sujets annexes. Ils sont au cœur de l’égalité des droits et de la conception que nous avons du vivre-ensemble, de notre mode de vie et de notre société. C’est la raison pour laquelle il me semble important que vous ayez remis l’ouvrage sur le métier en présentant cette proposition de loi, et je suis sûr que, dans le débat des proches élections présidentielles et législatives, le sujet sera de nouveau évoqué, non comme un sujet annexe mais comme un sujet essentiel pour l’égalité des droits.

Mes chers collègues, le groupe GDR votera cette proposition de loi. Ma collègue Marie-George Buffet aura dans quelques instants l’occasion de vous le dire à son tour. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Jean Mallot. Mme Barèges n’est pas inscrite ?

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, pendant longtemps, et jusqu’à une période très récente, les personnes homosexuelles ont fait l’objet, notamment dans nos sociétés européennes, de traitements discriminatoires : marginalité sociale, opprobre moral, répression pénale. De telles situations sont inadmissibles et doivent être clairement dénoncées. On ne peut que se féliciter de constater que l’esprit de la population a changé et que les dispositifs juridiques ont évolué. On est ainsi passé de la condamnation à la tolérance, de la tolérance à la reconnaissance, de la reconnaissance à l’organisation, de l’organisation à la convergence des droits entre les couples mariés et les couples homosexuels, j’en veux pour preuve la loi sur les successions que notre majorité a votée en 2006.

La question n’est donc plus de savoir s’il faut stigmatiser l’homosexualité. Il faut la reconnaître et la respecter. Je pense qu’un certain nombre d’entre vous se souviennent des propos tenus, pendant la campagne présidentielle, par le candidat Nicolas Sarkozy :…

M. Marcel Rogemont. Le jour où il tiendra ses promesses, on le saura !

M. Michel Diefenbacher. …il a dit que les sentiments partagés par deux personnes, un homme et une femme ou deux personnes du même sexe, dès lors qu’ils sont sincères et désintéressés, sont toujours éminemment respectables, et qu’il en va ainsi de l’amour comme de tous les autres sentiments. Il n’est donc plus question, je le répète, de stigmatiser qui que ce soit.

M. Jean Mallot. Amen !

M. Michel Diefenbacher. Il s’agit à présent de savoir – c’est le cœur de notre débat – si la convergence des régimes juridiques doit être totale, si l’union entre deux personnes de même sexe doit relever des mêmes règles que le mariage d’un homme et d’une femme. Répondre à cette question, c’est d’abord donner son analyse du mariage. Celui-ci est une institution, et donc la réponse sera de caractère juridique, mais c’est aussi un principe d’organisation de la société, et, par conséquent, la réponse aura également un caractère social.

D’un point de vue juridique, il faut souligner que rien n’oblige notre parlement à faire évoluer le droit (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), rien ne l’oblige à aller jusqu’au bout de l’alignement.

M. Jean Mallot. Gloria in excelsis Deo !

M. Noël Mamère. C’est la glaciation ! Facile d’être législateur, dans ces conditions : rien ne change jamais !

M. Michel Diefenbacher. J’ai trouvé extrêmement intéressant le rapport établi au nom de la commission des lois parce qu’il me paraît tout à fait éclairant. Il rappelle les résolutions du Parlement européen qui invitent les différents États à faire évoluer leur droit vers plus d’égalité, et qui ont d’ailleurs été inspirées, dans la plupart des cas, par des parlementaires issus de pays qui, eux, ont reconnu le mariage homosexuel. Mais nous savons que les résolutions du Parlement européen ne comportent aucune obligation juridique, n’ont aucun caractère contraignant.

M. Marcel Rogemont. Il y a tout de même eu une majorité pour voter ces résolutions !

M. Michel Diefenbacher. Il y a également les jurisprudences nationales, évoquées par les précédents orateurs, dont la jurisprudence de la Cour de cassation et celle du Conseil constitutionnel, en particulier sa décision du 28 janvier 2011. Mais la lecture qu’en a donnée notre collègue Patrick Bloche me paraît singulièrement réductrice. Certes, le Conseil constitutionnel affirme qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité, mais il avait auparavant souligné que les dispositions actuelles du code civil, qui définissent le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme, n’ont rien de contraire à la loi fondamentale. C’est dans le même sens qu’a tranché la Cour européenne des droits de l’homme. Elle a en effet affirmé, en particulier dans l’arrêt Schalk et Kopf contre l’Autriche, que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’impose pas aux États parties l’obligation d’instituer le mariage de personnes du même sexe. Dans cet arrêt, elle énumère les États signataires de la Convention qui ont reconnu le mariage homosexuel, et je veux rectifier la présentation quelque peu tendancieuse sur ce point de notre collègue Noël Mamère : certes, six États l’ont reconnu, mais sur un total de quarante-sept ! Ils constituent par conséquent une minorité. (« Et alors ? » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. Et si une majorité d’États l’avaient reconnu, cela changerait votre position ?

M. Noël Mamère. Quand on a aboli la peine de mort, combien d’États l’avaient déjà fait ?

M. Michel Diefenbacher. J’ajoute que, dans la plupart de ces pays, le droit du mariage n’est pas le même qu’en France. Ainsi, ils ne font pas la distinction entre le mariage religieux et le mariage civil. Par conséquent, ce qui relève de la législation matrimoniale dans ces pays évoque davantage, en France, le PACS que le mariage.

Notre assemblée est donc tout à fait libre de se prononcer sur ce sujet difficile. La réponse que nous devons apporter ne doit être imposée ni par des considérations d’ordre juridique – puisqu’il n’y a pas d’obligation – ni par des options d’ordre moral. La décision que nous prendrons exprimera notre conception de l’organisation sociale et de cette cellule de base de la société qu’est la famille. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) Nous devons tenir compte de la singularité du mariage : celui-ci se définit comme l’union de deux personnes de sexes opposés, et de cette seule union peuvent naître des enfants.

Mme Martine Billard. Parce que tout mariage donne naissance à des enfants, c’est bien connu !

M. Michel Diefenbacher. C’est au Moyen Âge qu’ont été posées les bases du droit de la famille. À cet égard, ce qui est très frappant dans l’évolution européenne du droit de la famille, c’est que celui-ci a toujours eu pour souci de protéger le plus faible. Lorsque, en 1215, le concile de Latran s’est penché sur le sujet, sa préoccupation essentielle a été de protéger la femme.

Mme Aurélie Filippetti. Mais la femme n’avait pas d’âme, à l’époque !

M. Michel Diefenbacher. C’est pour cette raison qu’il a posé des règles sur l’âge minimum pour se marier, sur la liberté du consentement et sur sa publicité. Il s’agissait de bien s’assurer de la protection des droits de la femme.

M. Philippe Martin. Amen !

M. Michel Diefenbacher. Depuis lors, la société a changé, et nous avons accompli des progrès, bien qu’ils ne soient pas complets, dans le sens de l’égalité des droits ; les mœurs ont progressé et, aujourd’hui, la préoccupation essentielle du législateur me paraît devoir être la défense de l’intérêt des enfants.

Mme Martine Billard. Il peut y avoir mariage sans enfants !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ou l’inverse !

M. Michel Diefenbacher. Bien sûr, madame Billard, mais il peut aussi y avoir des mariages avec enfants ! Or un couple homosexuel ne peut pas en avoir. Notre collègue Noël Mamère l’a très bien dit : reconnaître le mariage homosexuel, c’est ouvrir la porte à l’adoption, et par conséquent institutionnaliser le fait qu’un enfant puisse être élevé par deux pères et aucune mère ou par deux mères et aucun père. Nous savons bien que des situations de cette nature existent dans la société d’aujourd’hui et que, en France, probablement plusieurs dizaines de milliers d’enfants sont élevés par des couples du même sexe. Il n’est évidemment pas question de fustiger ces parents adoptifs ; au contraire, élever un enfant qui n’est pas le sien est toujours un très beau geste, une marque de générosité qu’il faut saluer. Mais est-ce une raison pour inscrire de telles situations dans notre droit ? C’est le cœur même de notre débat.

Les auteurs du texte vont valoir que d’autres pays l’ont fait, essentiellement en Europe, mais, pour compléter les propos de notre collègue Noël Mamère sur ce point, je lui ferai observer que les expériences qu’il a citées sont extrêmement récentes. La reconnaissance du mariage homosexuel aux Pays-Bas date de 2001,…

Mme Martine Billard. Ça fait tout de même dix ans !

M. Michel Diefenbacher. …en Belgique de 2003, en Espagne de 2005, en Norvège de 2008, en Suède de 2009, au Portugal et en Islande de 2010.

M. Jean Mallot. Est-ce à dire que vous y serez favorable dans dix ans ?

M. Michel Diefenbacher. Cela veut dire que, dans ces différents pays, aucun des enfants qui ont été adoptés postérieurement à ces dates n’est encore arrivé à l’âge de l’adolescence. C’est dire que, aujourd’hui, personne ne peut mesurer les conséquences psychologiques sur les jeunes et sociales sur l’ensemble de la communauté d’une telle évolution, évolution que personne n’avait jamais réalisée et qui représente, par conséquent, un véritable saut dans l’inconnu.

M. Jean Mallot. Bref, c’est l’application du principe de précaution !

M. Marcel Rogemont. Les hommes seuls avec enfants, c’est légal !

M. Michel Diefenbacher. Dans cette affaire, nous ne voulons blesser personne, juger personne, condamner personne, et pas davantage protéger la famille dite traditionnelle contre la concurrence que constitueraient les homosexuels : nous voulons simplement nous assurer que la loi des hommes est respectueuse de cette loi de la nature… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Schneider. Chacun a le droit d’avoir son opinion, mes chers collègues ! N’est-ce pas vous qui le dites tout le temps ?

M. Marcel Rogemont. Ce qui nous intéresse, ce sont les lois de la République, monsieur Diefenbacher !

M. Michel Diefenbacher. …qui veut qu’un enfant ne peut naître que de l’union d’un homme et d’une femme que l’intérêt de l’enfant est d’être élevé dans une famille ainsi structurée, que l’éducation n’est pas la négation des réalités ni des différences, mais au contraire la capacité de les comprendre, de les assumer et de les gérer. J’ai beaucoup de mal à imaginer que mes collègues de l’opposition ne soient pas conscients de ces réalités évidentes.

Je conclurai en disant oui, mille fois oui à l’égalité des sexes, oui, mille fois oui au respect absolu de la liberté de chacun, mais non, mille fois non à l’indifférenciation des sexes dans la société : la femme n’est pas un homme comme les autres (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), l’homme n’est pas une femme comme les autres.

M. Jean-Pierre Nicolas et M. Claude Bodin. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je vous demande, dans vos interventions, de ne pas dépasser la durée maximale fixée par vos groupes.

La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, je commencerai en allant à mon tour droit au but : si nous proposons l’ouverture du mariage civil à tous les couples, c’est uniquement pour abolir une discrimination.

Mme Martine Billard. Très bien !

M. Olivier Dussopt. Nous proposons de mettre fin à une inégalité et de protéger tous les couples indifféremment, dans le hasard et la diversité de leur composition et des épreuves qu’ils traversent.

Cela dit, il faut aussi se remémorer le chemin parcouru jusqu’à ce jour. Le 27 juillet 1982, il y a presque trente ans et sous les cris de l’opposition, Robert Badinter proposait à l’Assemblée de mettre un terme à la répression de l’homosexualité en la sortant du code pénal. Depuis, ce sont les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle qui sont entrées dans le code pénal et qui sont désormais condamnées par l’article 225-1. Aujourd’hui comme hier, notre responsabilité, c’est de faire disparaître toutes les discriminations, et, lorsque c’est la loi qui discrimine, notre devoir est donc de modifier la loi.

J’en viens au cœur de notre proposition de loi : le mariage. Le mariage, c’est l’institution républicaine qui protège le couple dans la société et chaque époux à l’intérieur du couple. Dans ces conditions, comment accepter plus longtemps que la République refuse encore cette protection à des citoyens en fonction de leur seule orientation sexuelle. À travers notre texte, nous affirmons que nous accordons autant d’importance à l’amour entre deux femmes, entre deux hommes, qu’à l’amour entre une femme et un homme. Nous disons qu’il est temps de reconnaître à tous les couples le bénéfice des mêmes droits. C’est d’ailleurs à cette fin et pour affirmer que la valeur d’un couple ne se mesure pas à l’aune de son orientation sexuelle que nous sommes nombreux à organiser, certes de manière symbolique, des cérémonies de PACS dans les salles de mariage de nos mairies.

En deuxième lieu, nous n’ignorons pas la vertu pédagogique de notre texte – à écouter certaines interventions, je pense même que c’est une vertu utile. En effet, monsieur le garde des sceaux, vous le savez bien, lorsqu’elles s’ouvrent à tous sans discrimination, les institutions républicaines portent un message : message d’encouragement à ceux qui attendent un signe de la République pour vivre leur vie sans crainte et s’affirmer tels qu’ils sont, message de condamnation de ceux qui, à la maison, à l’école, au travail ou dans la rue se rendent coupables de violence à l’égard de ceux qu’ils jugent inférieurs parce que leur orientation sexuelle est minoritaire. Elles portent aussi un message à nos voisins, belges, hollandais, espagnols ou portugais, évoqués par le rapporteur, dont le mariage n’est aujourd’hui pas reconnu en France parce qu’ils sont deux époux ou qu’elles sont deux épouses. Il est temps de rattraper ce retard qui plonge la France dans le passé. Autrefois à la tête du combat pour les libertés individuelles avec la reconnaissance du PACS, la France est désormais à la traîne.

Et c’est d’ailleurs justement du PACS que je veux maintenant dire un mot. C’est la fierté, justifiée, de notre famille politique et de notre rapporteur que d’avoir créé cette union civile en 1999. Force est de constater son succès, avec plus de 200 000 PACS en 2010, dont 90 % ont été contractés par des couples hétérosexuels. Mais force aussi est de constater que, si cette union civile convient à de nombreux couples, elle n’ouvre pas les mêmes droits que le mariage.

C’est le cas pour ce qui concerne la décision de le dissoudre, la transmission du patrimoine et du nom, l’accès à des informations relevant du secret médical ou encore les questions liées à la retraite et les pensions de réversion.

L’ouverture à tous du mariage civil permettra enfin à chacun d’accéder aux mêmes droits. Finalement – et c’est peut-être là le cœur de notre proposition de loi –, nous proposons de consolider le mariage, pierre angulaire du droit de la famille.

Vous qui doutez, ne croyez pas que notre texte mette la famille en danger. En réalité, le principal danger qui guette le droit de la famille, ce serait de s’enfermer dans des traditions sans lien avec les évolutions de notre société. C’est d’ailleurs un fait qui a été rappelé : la majorité des enfants naissent actuellement hors du mariage, et, dans l’histoire de notre droit, conjugalité et filiation ont toujours suivi des chemins bien différents.

En proposant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, nous proposons en réalité une réhabilitation de l’institution même du mariage, dans ce qu’elle apporte de reconnaissance, de stabilité et de protection à un couple. Nous renforçons le cadre juridique du mariage en lui permettant de s’ouvrir à tous. Nous le laisserions s’affaiblir si nous le laissions tel qu’il est, ouvert aux uns et fermé aux autres, en contradiction avec les valeurs de la République et l’évolution de notre société.

En 1998, une parlementaire, seule dans son groupe politique, appelait notre assemblée à avancer vers l’égalité des droits. Elle rejetait le dégoût comme la commisération à l’égard de celles et ceux qui portaient la revendication du PACS. Elle disait surtout que nous ne devions reconnaître qu’une seule communauté, la République.

C’est en rappelant ces propos et tous ceux qu’ont tenus les défenseurs du PACS et des autres textes demandant l’ouverture du mariage à tous les couples que nous vous invitons à faire un nouveau pas vers l’égalité des droits. Gardons en tête cette phrase de Condorcet, en réponse à celles et ceux qui renvoient sévèrement et hypocritement des hommes et des femmes vers leurs choix de vie : « Il ne peut y avoir ni vraie liberté ni justice dans une société si l’égalité n’est pas réelle. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, chers collègues, les hommes et les femmes naissent « libres et égaux en droits ». C’est ainsi que les révolutionnaires de 1789 ont choisi de poser les bases de la République et cela reste d’une grande actualité et d’une grande modernité.

Pourtant, les hommes et les femmes n’ont pas tous et toutes les mêmes droits. Aujourd’hui, deux personnes qui s’aiment, si elles sont de sexe différent, peuvent sceller leur union comme elles l’entendent : elles peuvent vivre en concubinage, se pacser, se marier. Deux personnes de même sexe ne le peuvent pas : le mariage leur est interdit.

Des membres de cette assemblée expliquent que le mariage est une institution, une union qui dépasse le contrat signé par deux époux. Mais la République n’a pas à sonder les cœurs de ses citoyens. Le sens que les époux donnent à leur mariage ne regarde pas la collectivité. Le mariage est, du point de vue de la République, un acte d’état civil.

Ces mêmes députés expliquent que le mariage a pour finalité de fonder une famille. Pourtant, force est de le constater, de plus en plus de naissances ont lieu hors mariage et de nombreux mariages n’aboutissent pas à des naissances. La famille évolue avec la société. On parle de familles recomposées, monoparentales. Il existe aussi des familles homoparentales ; elles sont de plus en plus nombreuses et toutes les études montrent que leurs enfants en sont heureux. Les règles d’alliance doivent évoluer pour tenir compte de la réalité de la société.

Pourquoi alors, monsieur le ministre, continuer à refuser le mariage aux personnes de même sexe ? Pourquoi avoir peur d’une nouvelle étape émancipatrice ?

Certains propos tenus dans cet hémicycle accréditent l’idée que l’homosexualité est encore considérée par certains comme une déviance qui justifierait l’interdiction de fonder une famille. Cela se ressent d’ailleurs très nettement dans les motivations de l’arrêt Fretté rendu en 1996 par le Conseil d’État, lequel refusait une demande d’adoption au regard des « conditions de vie » du demandeur, visant sans aucun doute l’homosexualité de ce dernier.

Nous devons dépasser ces préjugés et établir l’égalité dans l’accès au mariage. C’est le sens de la proposition de loi de Patrick Bloche. C’est aussi le sens de la proposition de loi déposée par les députés communistes en 2005, et redéposée en 2010 après des modifications porteuses de sens, sous l’intitulé : « Proposition de loi visant à ouvrir le mariage à tous les couples sans distinction de sexe ni de genre. »

Ces modifications ne sont pas seulement sémantiques. Lorsque nous avons redéposé le texte, nous avions en tête des exemples de maires refusant de marier deux personnes d’état civil différent pour la simple raison qu’elles étaient transsexuelles, mais aussi des exemples de femmes et d’hommes contraints de divorcer pour pouvoir accomplir leur parcours de changement de sexe. Deux femmes ont pu se marier récemment à Nancy, car les autorités publiques ont refusé à l’une d’elles son changement d’état civil. Quel paradoxe !

J’aurais pu défendre cette prise en compte du genre par voie d’amendement, mais nous pouvons trouver sur ce texte un point d’accord permettant de faire avancer l’égalité.

La liste des propositions de loi demandant la possibilité pour tous les couples de se marier – Martine Billard et Noël Mamère en ont déposé une également – le montre : il s’agit d’une exigence forte de la part de nos concitoyennes et concitoyens, qui se heurte chaque fois au refus de la droite.

Cette exigence est d’autant plus forte que les enjeux sont lourds. Le mariage emporte un grand nombre de conséquences, non seulement pour les époux, mais aussi pour les enfants. Il faut reconnaître les familles homoparentales pour donner à tous les enfants, quel que soit l’orientation sexuelle ou le genre de leurs parents, les mêmes droits et protections.

C’est pour cette raison qu’il faut mettre un terme aux discriminations que les personnes homosexuelles subissent non seulement dans l’accès au mariage, mais aussi en matière de filiation et de droits parentaux. Il faut établir l’égalité dans les possibilités de recours à l’adoption et à la procréation médicalement assistée, dans le partage de l’autorité parentale comme dans l’octroi des congés d’adoption et de paternité.

J’ai élaboré avec les associations LGBT et de parents gays et lesbiens une proposition de loi en ce sens, déposée il y a quelques semaines. Elle prévoit de renforcer les moyens de lutte contre les discriminations de manière générale, afin de briser les schémas de reproduction des préjugés et des violences, pour rendre l’égalité des droits réelle.

Chers collègues, les députés du groupe GDR voteront donc pour la proposition de loi débattue aujourd’hui, en espérant qu’elle sera bientôt enrichie de dispositions concernant les questions de genre, et suivie d’un débat sur la parentalité et les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bodin.

M. Claude Bodin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe SRC que nous examinons aujourd’hui fait partie, à l’évidence, des textes à vocation polémique (Rires sur les bancs du groupe GDR) que l’on voit fleurir à l’approche des élections présidentielles.

M. Régis Juanico. Surtout chez vous !

M. Claude Bodin. Cette proposition de loi est, pour nos collègues de gauche, de l’ordre du symbole. En effet, s’ils avaient voulu réellement améliorer certaines clauses concernant les couples pacsés, ils auraient déposé un texte sur le sujet.

Mme Pascale Crozon. C’est déjà bien difficile !

M. Claude Bodin. Ce n’est pas le cas, et, pour répondre à des revendications communautaristes en période préélectorale, ils préfèrent s’attaquer à l’institution civile qu’est le mariage.

Mes chers collègues, selon la loi, le mariage est dans son principe l’union d’un homme et d’une femme.

Mme Martine Billard. C’est l’UMP qui a modifié la loi en ce sens !

M. Claude Bodin. C’est la loi, chère collègue ! Le terme même de « mariage » a une valeur symbolique très forte, pas seulement en religion. Il symbolise cette union entre deux sexes, laquelle est le fondement de notre société.

Le mariage repose en effet sur l’association des deux identités sexuelles et témoigne du sens de l’engagement du couple formé par un homme et une femme dans la société, et de la volonté de la société d’accorder des droits privilégiés à ceux qui s’engagent ainsi dans un lien juridique.

Le législateur, dans sa sagesse, a donc estimé que la différence de situation entre des partenaires de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme pouvait justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille.

C’est donc logiquement que le Conseil constitutionnel, en janvier dernier, a déclaré l’interdiction du mariage homosexuel conforme à la Constitution, estimant que le « droit de mener une vie familiale normale » n’implique pas que les couples de même sexe puissent se marier, soulignant qu’ils sont libres de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité.

Mme Pascale Crozon. On peut changer cela !

M. Claude Bodin. L’homosexualité est une réalité privée ; elle ne peut pas devenir une norme parmi d’autres. En la présentant comme telle, on entraînerait un changement considérable dans la société qui ne sera plus organisée autour du bien commun mais à partir de singularités qui finiront par desservir le lien social et la cohésion sociale.

La reconnaissance légale du mariage homosexuel bouleverserait à l’évidence dangereusement les structures fondamentales de notre société.

Mme Martine Billard. Vous ne voulez pas interdire le divorce aussi, tant que vous y êtes ?

M. Marcel Rogemont et M. Jean Mallot. En quoi serait-ce dangereux ? Explicitez votre pensée !

M. Claude Bodin. Le mariage assure également le renouvellement des générations, la lisibilité de la filiation et de la parenté, et apporte de la sécurité aussi bien aux adultes qu’aux enfants issus de leur communion sexuelle.

Outre la remise en question de la différence sexuelle que pose le mariage entre deux personnes de même sexe, sa conséquence majeure en est la revendication au droit à l’adoption. Car, mes chers collègues, derrière la légalisation du mariage homosexuel se dessine un autre débat : celui de la légitimité de l’homoparentalité avec l’adoption d’enfants par des adultes de même sexe, ou bien le recours à des mères porteuses à l’étranger.

Mme Martine Billard. Cela n’a rien à voir !

M. Claude Bodin. Un tel bouleversement de nos repères va au-delà de l’évolution des symboles. Le mariage doit être protégé de ces dérives.

Le Manifeste pour l’égalité des droits, rédigé en mars 2004, revendiquait déjà d’accorder les mêmes droits aux homosexuels qu’aux hétérosexuels. Il prétendait qu’il est homophobe et discriminatoire de refuser aux homosexuels l’accès au mariage et à l’adoption.

En fait, il n’y a rien de discriminatoire à rappeler que ce sont des hommes et des femmes qui se marient, qui conçoivent, éduquent ou adoptent des enfants. Un critère de sexualité est indispensable au mariage et à l’adoption des enfants. Ceux-ci ont besoin de la double figure de l’homme et de la femme, du père et de la mère, pour se développer de façon cohérente en sachant que seuls un homme et une femme peuvent concevoir un enfant.

Mme Henriette Martinez. Et les familles monoparentales ?

M. Claude Bodin. Monsieur le ministre, chers collègues, notre système de filiation est fondé sur l’existence d’un père et d’une mère. Revenir sur ce principe reviendrait également à remettre en question les structures fondamentales de notre société, ce que l’immense majorité de nos concitoyens ne souhaite pas.

M. Michel Diefenbacher. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis fière d’être parmi vous ce matin, aux côtés de Patrick Bloche, pour défendre cette proposition de loi.

Notre société a changé, n’en déplaise à certains de nos collègues de droite, et la République ne saurait plus longtemps l’ignorer. Le droit français doit épouser et accompagner la société réelle.

Il n’existe pas une famille mais une pluralité de familles aux multiples visages : recomposées, monoparentales, homoparentales. En fait, en a-t-il été un jour autrement ? Des siècles d’oppression des femmes et des homosexuels, de tous ceux aussi qui refusaient de se fondre dans le modèle d’une société patriarcale violente pour ceux qu’elle reléguait à ses marges, laissaient pourtant vivre et se développer des amours, des couples, des histoires qui devaient malheureusement se retrancher sous le secret du tabou social.

Nous avons la chance de vivre à une époque où nous pouvons, dans cet hémicycle, débattre d’une avancée majeure de la société en termes d’égalité des droits.

Depuis les années 1960, l’égalité entre les hommes et les femmes a progressé en ce qui concerne le partage de l’autorité parentale. De nos jours, plus de la moitié des enfants naissent hors mariage et la distinction entre les enfants dits « légitimes » et les enfants dits « naturels » a été effacée.

L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe est donc une revendication légitime, une évolution du droit nécessaire, parce que la loi ne peut pas ignorer, refuser, rejeter la société réelle. Que certains, à droite, le veuillent ou non, nos concitoyens ne supporteront plus longtemps de se voir priver du type d’union de leur choix.

En 1994 déjà, puis en 2001 et en 2003, le Parlement européen a adopté des résolutions demandant l’abolition de « toute forme de discrimination – législative ou de facto – dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants ».

En 2004, l’Union européenne a accepté la redéfinition du terme de famille, en y incluant les couples de même sexe. En 2010, enfin, la Cour européenne des droits de l’homme, s’appuyant sur la Charte des droits fondamentaux, a estimé que « rien ne s’opposait à la reconnaissance des relations entre personnes de même sexe dans le cadre du mariage ».

Aujourd’hui, les Français se prononcent à une large majorité en faveur d’une ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Nous avons cité tous les pays, européens et autres, où le mariage homosexuel est aujourd’hui possible. De plus, en Belgique, en Espagne et en Norvège, le droit à l’adoption est reconnu aux couples homosexuels.

À l’heure actuelle, la France semble être la seule à faire prévaloir les prétendues vérités biologiques sur les réalités vécues, les réflexes et les traditions sur les idées politiques.

Lors des débats sur les lois bioéthiques, il y a peu, nous avons été confrontés à ce même argument : la nature, le retour de mère nature ! Mais laissez la nature là où elle est !

Pour avoir dit « Deus sive natura » – « Dieu, c’est-à-dire la nature » –, le grand philosophe Spinoza a été mis à l’index. Aujourd’hui, la droite renverse l’argument et répète : « La nature, c’est-à-dire Dieu. » Ce faisant, elle réintroduit ses convictions religieuses dans un débat qui doit être laïque. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comme l’expose si bien le sociologue Éric Fassin : « Le fondement même des normes sociales ne relève plus d’une transcendance (Dieu, nature ou science). Leur justification est immanente : c’est la société qui les (re)définit et la délibération démocratique qui les fonde. »

Nous n’avons pas à condamner des pratiques qui ne nuisent pas à autrui. Dans les sociétés démocratiques, nous sommes contraints à remodeler indéfiniment les institutions qui nous définissent à la lumière changeante de nos valeurs.

Oui, la loi change. Oui, nous devons la faire changer. Les coups de butoir de la liberté permettront un jour d’ouvrir les portes de bronze de l’hémicycle au mariage des personnes de même sexe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Jean Mallot. Mais pourquoi Mme Barèges ne parle-t-elle pas ?

M. Marcel Rogemont. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je tiens à saluer l’initiative du groupe socialiste, qui pose la question de droits nouveaux.

La présente proposition de loi constitue une réponse républicaine aux attentes des couples homosexuels, et 61 % de la population en accepte le principe. Il s’agit simplement de répondre à une demande sociale qui participe d’un renforcement du principe d’égalité.

Nous pouvons en effet nous interroger sur la place de la France en matière d’égalité et des droits et libertés individuels. Comme l’a rappelé notre collègue Noël Mamère, les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Canada, l’Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, le Portugal, pour ne citer qu’eux, reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe. La France veut-elle rester à la remorque de ces pays ?

Comme Robert Badinter le signalait déjà le 20 décembre 1981 dans son intervention à l’Assemblée nationale lors de la dépénalisation de l’homosexualité, « le moment est venu, pour l’Assemblée, d’en finir avec ces discriminations comme avec toutes les autres qui subsistent encore dans notre société, car elles sont indignes de la France ».

Le Président de la République n’a cessé d’affirmer sa détermination à lutter contre toutes les discriminations. Il avait pris, en 2007, des engagements en faveur des homosexuels. Ceux-ci ont-ils été tenus ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Oui !

M. Marcel Rogemont. Le projet d’union civile n’a jamais été présenté et le statut du beau-parent a été enterré.

À ces promesses non tenues s’ajoute l’interrogation sur la sincérité du Gouvernement dans sa lutte contre l’homophobie et les discriminations.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Allons donc !

M. Marcel Rogemont. En commission, les mots prononcés par certains députés sont édifiants : « texte provocant », « trouble à l’ordre public », « politique de l’absurde ». La question est pourtant simple : jusqu’où voulons-nous aller dans notre lutte contre les discriminations ? Préférons-nous les maintenir ?

Des députés UMP se sont récemment distingués en voulant permettre aux seuls couples mariés de bénéficier de l’avantage fiscal lié à la double déclaration de revenus l’année de leur union, alors que les couples pacsés en profitaient depuis quelques années.

En avril 2010, notre collègue Christian Vanneste a approuvé les propos du cardinal Bertone, numéro deux du Vatican, affirmant l’existence d’une relation entre homosexualité et pédophilie.

Enfin, lors de l’examen de la proposition de loi en commission, le 25 mai dernier, notre collègue de l’UMP Brigitte Barèges a dérapé. Je ne citerai pas l’intégralité de ses propos, mais elle s’est demandée si, « au nom de l’évolution des mœurs, notre société, dont les fondements laïques et républicains sont établis depuis des siècles, devra […] prendre en compte […] d’autres pratiques sexuelles » – je saute quelques mots – « ou la polygamie, si d’autres religions prennent le pas sur notre tradition judéo-chrétienne ». Outre la question du mariage, ces propos font bien peu de cas, dans notre pays laïque, des autres religions. Il y a là une confusion totale entre la République et la religion.

Tous ces propos justifient les discriminations et les violences qui pèsent sur les personnes. La croissance du nombre de propos et d’actes homophobes dénoncée dans le rapport sur l’homophobie 2011 doit nous alerter et nous pousser à légiférer, afin d’engager une véritable politique contre les discriminations. Dans sa décision du 28 janvier 2011, le Conseil constitutionnel nous y invite.

Notre proposition de loi n’est pas « purement symbolique ». Il s’agit tout d’abord de sortir le mariage d’une approche liée uniquement à la filiation alors que, comme beaucoup de collègues l’ont déjà rappelé, 56 % des enfants naissent aujourd’hui hors mariage.

Il s’agit, ensuite, de reconnaître que le PACS ne permet pas d’assurer pleinement l’égalité des droits, comme en matière de succession ou de reconnaissance de la personne pacsée comme le plus proche parent. La vie quotidienne d’un couple n’est pas la même, selon qu’elle est régie par le mariage ou par le PACS.

Il s’agit, enfin de s’inscrire dans un mouvement général, de reconnaissance des couples homosexuels, à l’instar de nos voisins.

Il est de la responsabilité du législateur de lutter contre les discriminations, de reconnaître et d’accompagner les transformations sociales et familiales dans notre société.

Le France ne doit pas rater le coche de l’égalité des droits. C’est tout le débat d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe.

Comme tout sujet de société, la question du mariage homosexuel est particulièrement sensible, car elle touche à la conscience de chacun d’entre nous et à nos convictions personnelles.

Par ailleurs, elle transcende les clivages traditionnels. Des sensibilités différentes s’expriment à ce sujet, y compris dans ma famille politique, l’UMP. Je tiens d’ailleurs à remercier le président Christian Jacob de laisser vivre le débat au sein de notre groupe.

Au moment du vote, chacun des 577 députés de notre assemblée se prononcera en son âme et conscience.

J’entends et respecte celles et ceux qui s’opposent à cette proposition de loi. Mais, dans notre République laïque qui, dans son histoire, a toujours fait de l’égalité des droits entre les citoyens un principe cardinal, accorder aux couples de même sexe le même droit – celui de se marier – qu’aux couples de sexe différent, n’est-ce pas donner toute sa force à ce mot que l’on retrouve écrit sur le fronton de nos mairies : égalité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Henriette Martinez. Très bien !

M. Franck Riester. Offrir à deux personnes qui s’aiment le choix de s’unir selon le même contrat de vie, quelle que soit leur orientation sexuelle, ne s’inscrit-il pas dans la droite ligne de notre tradition républicaine ?

J’ajoute qu’il s’agit bien d’ouvrir un droit aux uns sans en enlever aux autres.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Absolument !

M. Franck Riester. Bien sûr, la création du PACS a représenté une avancée importante en termes de droit, ainsi qu’un choix renforcé en termes de contrat offert aux couples. Notre majorité a d’ailleurs, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, grandement contribué à l’amélioration du PACS. Mais ne devrions-nous pas franchir une nouvelle étape ? N’est-il pas de notre responsabilité de permettre aux couples de même sexe, à travers le mariage, de bénéficier des mêmes droits que les autres alors qu’il existe aujourd’hui des différences non négligeables entre PACS et mariage ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Henriette Martinez. Très bien !

M. Franck Riester. Parmi ces différences, je citerai celles existant en matière d’enregistrement, les modalités de séparation et la reconnaissance de droits pour le partenaire survivant, différences qui, à mon sens, doivent être abolies.

Enfin, n’est-il pas important que, symboliquement, la République puisse célébrer, en mairie, l’union pour la vie d’un couple qui s’aime, quelle que soit son orientation sexuelle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Je sais que, pour certains d’entre vous, le mariage est intimement lié la procréation. Mais que faire alors de ces couples de sexe différent qui s’unissent et ne peuvent avoir d’enfant ?

Mme Martine Billard. Eh oui !

M. Franck Riester. Que faire aussi de ces couples nombreux qui ont des enfants en dehors du mariage ?

Mme Martine Billard. Voilà des paroles de bon sens !

M. Franck Riester. On voit que cet argument n’est pas recevable, car il ne prend pas en compte les différentes situations de vie de nos concitoyens.

Mes chers collègues, la société évolue, l’opinion évolue. Aujourd’hui, la grande majorité de nos compatriotes est favorable à l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Toutes les enquêtes d’opinion le montrent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un grand nombre de démocraties ont déjà, comme vous l’avez rappelé, monsieur Mamère, fait évoluer leur législation : la Belgique, les Pays-Bas, le Canada, tout comme l’Espagne et le Portugal ou encore l’Argentine.

On constate aujourd’hui que, dans ces pays, la société a entériné cette évolution sans drame. Ne devrions-nous pas faire comme eux et répondre, ainsi, aux attentes d’un grand nombre de nos concitoyens ?

Comme vous l’avez compris, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi, qui représente une avancée majeure pour l’égalité des droits dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Henriette Martinez. Très bien !

M. Noël Mamère. Monsieur Riester, vous êtes courageux ! Vous devriez descendre de la tribune par l’escalier de gauche !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud.

Mme Marie-Line Reynaud. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, déposée à l’initiative de notre collègue Patrick Bloche, qui, depuis plus de quinze ans, accomplit sur ce sujet un excellent travail, que je tiens à saluer. Cette proposition permettra d’offrir aux couples de même sexe la même liberté de choix qu’aux couples hétérosexuels quant au mode juridique de leur vie en commun : concubinage, partenariat ou mariage.

Monsieur le garde des sceaux, en matière d’égalité des droits des personnes homosexuelles, vous avez, tout à l’heure, tiré un bilan plus que négatif de votre majorité.

En 1981, ce sont le président François Mitterrand et M. Badinter qui ont fait abroger l’affreux article 331-2 du code pénal, créé sous le régime de Vichy, qui pénalisait tous les rapports homosexuels entre personnes adultes consentantes. Je rappellerai également la suppression, en juin 1981, des fichiers d’homosexuels dans les commissariats de police, l’instauration, en 1985, d’un délit de discrimination fondée sur « l’origine d’une personne selon son sexe, ses mœurs ou sa situation de famille » et la récusation par le gouvernement Mauroy de la classification par l’OMS de l’homosexualité comme maladie mentale.

En 1999, la majorité plurielle a adopté une loi relative au pacte civil de solidarité, dont l’un des objectifs était de permettre une reconnaissance du concubinage homosexuel, accompagnée de droits. Oui, mes chers collègues, le PACS est un succès et, quelle que soit leur préférence sexuelle, les Françaises et les Français, se le sont largement approprié.

Avec le texte qui nous est proposé ce matin, le groupe SRC souhaite franchir une étape supplémentaire dans cette marche vers l’égalité des droits, en permettant aux couples de même sexe de se marier. Pour résumer, nous proposons d’ouvrir un droit nouveau à certains sans réduire les droits existants. Sept pays européens reconnaissent le mariage entre personnes de même sexe : les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Portugal et l’Islande. De plus, le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions invitant les États membres à modifier leur législation pour abolir toutes les formes de discrimination dont sont encore victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage.

À l’heure où l’opinion publique est favorable à cette disposition, le moment est venu d’écrire une nouvelle page de notre code civil. Et c’est à nous, législateurs, que revient cette responsabilité, comme l’a rappelé, en janvier 2011, le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. La haute juridiction a estimé qu’« il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité ». C’est donc à nous de nous saisir de cette question, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Je ne relèverai pas non plus les arguments de certains de nos collègues de droite qui n’ont trouvé que des propos inqualifiables pour s’opposer à ce texte.

La société française évolue et il est de notre responsabilité, à nous législateurs, gardiens de la loi, de rester vigilants et d’entendre les évolutions et les aspirations des Françaises et des Français.

Comme lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique ou de celui sur la fin de vie, certains élus de la majorité invoquent des raisons morales et religieuses pour s’opposer à cette proposition de loi. Mes chers collègues, croyez-vous vraiment que vous pourrez encore longtemps geler les aspirations profondes de notre société par vos mesures législatives et exclure du code civil et du code des impôts des hommes et des femmes qui ont choisi de vivre leur amour ?

Mes chers collègues, la norme, aujourd’hui, c’est qu’un couple de même sexe puisse avoir la liberté de choisir de se marier, de se pacser, comme la majorité de nos concitoyens. De plus, en application du principe d’égalité, les couples de même sexe doivent bénéficier des mêmes droits ouverts par le mariage comme le droit d’adopter et l’héritage entre conjoints, par exemple. Nous sommes tous des citoyens égaux en droit.

Je vous invite à laisser vos considérations morales, religieuses et discriminatoire à la porte de cette assemblée où est inscrit en majuscules : « Liberté, égalité, fraternité. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, qu’est ce que le mariage civil aujourd’hui ? En dehors de ces murs, chaque religion peut bien évidemment mettre ce qu’elle veut derrière le mot mariage, mais, pour nous, législateur d’un pays républicain et laïque, quelles sont les valeurs qui donnent son sens à ce mot ?

En France, en 2011, le mariage civil est avant tout une reconnaissance par la société de l’amour que se portent deux personnes. C’est la reconnaissance de leur union, de leur volonté de former un couple portant un projet de vie à deux.

C’est parce que l’amour n’a pas d’âge que même des personnes âgées peuvent se marier. C’est parce qu’ils ne sont pas contraints par la nécessité de la procréation que la société reconnaît également le droit aux couples stériles de s’unir.

La loi actuelle interdit pourtant à toute une partie de la population cette reconnaissance de l’amour, sous le prétexte qu’il s’agit de former un couple avec une personne de même sexe. Ce débat qui vise à élargir le mariage aux couples du même sexe est donc, avant tout, un combat pour l’application réelle du deuxième terme de notre devise républicaine : l’égalité. En créant ce droit nouveau, nous permettons enfin aux personnes qui s’aiment d’acquérir une nouvelle liberté, d’obtenir la reconnaissance par l’État de la légitimité de leur union et de bénéficier des mêmes droits et des mêmes devoirs.

Les parlementaires, élus de la nation tout entière, ont aussi une responsabilité morale. À travers ce texte, nous envoyons un message fort et clair qui honore la République : oui, les couples hétérosexuels et homosexuels, et à travers eux les individus qui les composent, sont égaux, réellement et rigoureusement égaux.

C’est un symbole nécessaire aujourd’hui qui doit participer à l’ouverture des consciences et à l’apaisement des rapports entre les individus, car, même si la reconnaissance et l’acceptation de l’homosexualité progressent dans notre société, l’homophobie, elle, reste prégnante.

L’édition 2011 du rapport sur l’homophobie de l’association SOS Homophobie nous en donne encore une fois la preuve. Ce sont plus de 1 500 témoignages de victimes qui ont été recensés rien qu’en 2010. Si ce rapport ne donne pas une vision exhaustive du phénomène en France, il constitue une esquisse éclairante sur ce que vit au quotidien une partie de nos concitoyens. Il démontre à quel point ce mal insidieux est répandu dans toutes les sphères de notre société. Les cas de violences physiques sont bien sûr les plus graves. On ne compte plus les personnes seules ou les couples agressés, insultés, menacés, frappés, envoyés à l’hôpital juste parce qu’ils sont homosexuels, ou encore les pressions exercées par le voisinage, les collègues de bureau, qui pourrissent la vie au quotidien, et cela, souvent, en toute impunité.

Les discours stigmatisants tenus publiquement encouragent également ces comportements. Certains propos de rappeurs, sportifs ou célébrités quelconques ont émaillé l’actualité ces derniers mois. Ceux-ci font des dégâts auprès de ceux qui apprécient ces personnages publics, notamment les plus jeunes, mais, pour quelques phrases qui font scandale, combien d’insultes sont banalisées, combien d’interventions ouvertement homophobes ne sont même pas relevées ? Les propos de ce genre sont encore plus choquants lorsqu’ils sont prononcés dans les murs même de notre assemblée, mais je vois que ceux qui les tiennent ont, semble-t-il, été interdits d’hémicycle aujourd’hui.

M. Jean Mallot. Mais où est donc Mme Barèges ?

Mme Annick Lepetit. C’est la loi elle-même – je m’adresse à mes collègues de la majorité, ici présents, ce dont je les remercie, même s’ils sont peu nombreux – qui, par cette discrimination institutionnelle sur le mariage, accrédite cette inégalité et, de fait, encourage la discrimination.

En laissant la situation telle qu’elle est, comme vous semblez le vouloir, monsieur le garde des sceaux, vous accréditez l’idée sous-jacente selon laquelle les homosexuels seraient inférieurs aux hétérosexuels. Il est donc temps de sortir de cet archaïsme. Oui, les hommes et les femmes doivent bénéficier des mêmes droits, quelle que soit leur orientation sexuelle. Oui, le Parlement doit poser cet acte fort et symbolique en supprimant cette discrimination légale qui n’a, à mon sens, que trop duré. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrick Bloche, rapporteur. Je ne souhaite pas tant répondre, monsieur le président, qu’apporter quelques précisions à l’issue de cette discussion générale.

M. Diefenbacher a dit que, s’agissant de l’homosexualité, nous étions passés au cours des trente dernières années de la pénalisation à la tolérance, et de la tolérance à la reconnaissance. C’est exact, et vous avez raison de rappeler le chemin parcouru durant ces trois décennies. Je me permets cependant, cher collègue, de vous dire que tout cela ne s’est pas fait spontanément. Cela s’est fait parce que, chaque fois, dans cet hémicycle, il y a eu une majorité pour modifier le code civil et pour faire bouger le droit. Vous dites que rien n’oblige le Parlement à faire évoluer le droit…

M. Marcel Rogemont. Et rien ne le lui interdit !

M. Patrick Bloche, rapporteur. …mais, heureusement, rien n’a empêché le Parlement de faire évoluer le droit sur ces questions ! Plusieurs députés socialistes et, plus largement, de l’opposition l’ont également noté, depuis trois décennies, bien du chemin a été parcouru. En vous écoutant, cher collègue, je me suis souvenu de la photo de François Mitterrand en une de Gai Pied, à la fin de l’année 1980 ou au début de l’année 1981. Comme candidat à l’élection présidentielle, il s’engageait, devant nos concitoyens, de la même façon qu’il s’était engagé pour l’abolition de la peine de mort, à dépénaliser l’homosexualité, projet que Robert Badinter a ensuite défendu devant le Parlement, une fois François Mitterrand élu Président de la République.

Il est vrai que les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont été avant tout, pour les majorités parlementaires de gauche, l’occasion d’initiatives qui visaient à faire tomber un certain nombre de discriminations dont les individus homosexuels étaient victimes. Je veux d’ailleurs rendre un hommage particulier à un député très entreprenant, très volontaire sur ces questions, notre collègue Jean-Pierre Michel, aujourd’hui sénateur.

Ce qui s’est passé dans cet hémicycle en 1998 et 1999, durant 120 heures, a été d’une autre nature. Il s’est agi, à ce moment-là, de faire entrer le couple homosexuel dans le code civil. Le débat parlementaire, qui est devenu un débat dans la société, a été essentiel dans la reconnaissance de l’homosexualité. En effet, c’est à ce moment que sont tombés un certain nombre de tabous dans la société française, c’est à ce moment qu’un certain nombre de verrous ont sauté. Le débat sur le PACS a donc été un débat fondateur.

Nous pouvons peut-être regretter – je le dis sans intention polémique – que rien ne se soit passé en la matière depuis 2002. Avec l’honnêteté qui doit être celle d’un rapporteur, je note tout de même que, lorsque Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre, il avait des collaborateurs qui s’intéressaient à cette question et essayaient d’y réfléchir. C’est d’ailleurs à ce moment que la majorité actuelle a souhaité améliorer le PACS et les droits des couples pacsés – et nous l’en félicitons.

M. Henri Emmanuelli. Mais il faut aller plus loin !

M. Patrick Bloche, rapporteur. Il est cependant dommage que vous preniez aujourd’hui prétexte du fait que vous vous êtes approprié le PACS après vous y être tant opposés pour dire qu’il suffit, que nous devons nous arrêter là, qu’il ne faut pas aller plus loin.

Nous vous appelons justement à aller plus loin, nous souhaitons effectivement que le Parlement vote sans tarder en ce sens.

Ceux des députés UMP qui se sont opposés à cette proposition de loi ont déclaré que c’était un texte polémique, présenté parce qu’une élection présidentielle approchait ; je ne parle pas de vous, monsieur Diefenbacher, mais de M. Bodin. Dois-je le rappeler ? Jean-Marc Ayrault, président de notre groupe, a réagi à la décision que le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, avait rendue à la fin du mois de janvier, et nous avons effectivement souhaité prendre la balle au bond. Comme le Conseil constitutionnel disait, après la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il revenait au législateur de changer la loi, notre groupe a souhaité inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire.

Je remercie les six députés socialistes – Sandrine Mazetier, Olivier Dussopt, Aurélie Filippetti, Marcel Rogemont, Marie-Line Reynaud et Annick Lepetit – de leurs interventions, qui traduisaient l’engagement, de longue date, de notre groupe sur cette question.

Je remercie évidemment les députés du groupe GDR, ici présents, dont Noël Mamère. Je m’étais d’ailleurs permis, dans mon rapport, de rappeler le rôle déclencheur du mariage célébré à Bègles au mois de juin 2004. Je remercie également Marie-George Buffet. En l’écoutant, j’ai d’ailleurs eu une pensée émue pour Bernard Birsinger, député communiste porte-parole de son groupe lors du débat sur le PACS ; il avait grandement contribué à son adoption en 1999.

M. Jean-Pierre Brard. Ce fut un militant !

M. Patrick Bloche, rapporteur. Durant cette dernière décennie, sept pays européens ont ouvert le mariage aux couples de même sexe, ainsi qu’un certain nombre de pays extra-européens. Sincèrement, chers collègues de la majorité, a-t-on constaté que ces sociétés, souvent plus marquées que la nôtre par le fait religieux, en étaient ébranlées dans leurs fondements et que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe les remettait en question ? Finalement, je trouve quelque paradoxe dans votre défense du mariage comme institution immuable – il faudrait qu’il ne bouge pas – et je pense que, d’une certaine manière, vous le condamnez. Au moment où trois PACS sont conclus lorsque quatre mariages sont célébrés – pour prendre les chiffres de l’année 2010 –, je vous invite, si vous voulez exprimer dans cet hémicycle un attachement particulier à l’institution matrimoniale, à en adopter une conception dynamique, moderne, celle de cette proposition de loi.

Mon dernier mot sera pour notre collègue Franck Riester. Nous avons souvent eu l’occasion de nous opposer dans cet hémicycle, notamment sur les projets de loi HADOPI 1 et 2, parce que nous n’étions pas d’accord, mais chacun respectait les convictions de l’autre. C’est pourquoi je me permets de le saluer ce matin et de le féliciter de sa volonté de traduire par son vote ses convictions personnelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J’espère que nombre de députés de son groupe, et plus largement de la majorité, pour ne pas oublier le groupe Nouveau Centre, même si celui-ci ne s’est pas exprimé ce matin…

M. Jean-Pierre Brard. Allez chercher Charles-Amédée ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche, rapporteur. …voteront, mardi prochain, selon leurs convictions personnelles.

En tout cas, la démarche de notre groupe a été de légiférer sans tarder, sans attendre l’échéance présidentielle de l’an prochain, pour permettre à chaque député de voter, mardi prochain, selon ses convictions. Nous espérons qu’ainsi une majorité d’idées s’exprimera dans cet hémicycle afin de faire disparaître une discrimination. Ayons collectivement l’honneur, voire le bonheur, de permettre à notre pays, qui était pionnier en 1999 avec le PACS, mais qui est aujourd’hui à la traîne, de franchir une nouvelle étape sur le chemin de l’égalité des droits.

Cela ne nous empêche pas d’envisager d’autres étapes, cher Noël Mamère, puisque les différentes organisations politiques de gauche et les groupes parlementaires de l’opposition ont fait des propositions sur l’homoparentalité, qui visent à ouvrir l’adoption aux couples homosexuels et la procréation médicalement assistée aux femmes quelle que soit leur situation en termes de fertilité ou de couple. Mais c’est un autre sujet et c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité, ce matin, engager le débat sur la seule question de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Il reviendra, après 2012, peut-être à une autre majorité…

M. Marcel Rogemont. Peut-être ? Non : sûrement !

M. Patrick Bloche, rapporteur. …d’aborder non seulement la question de l’homoconjugalité, mais aussi celle de l’homoparentalité. C’est l’honneur du Parlement de faire évoluer le droit pour faire tomber les discriminations, et pour que nous restions fidèles à la devise républicaine, et notamment à ce beau mot d’ « égalité ». (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Franck Riester. Très bien !

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