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Le blog de JEROME Dehaynin

Le blog de JEROME Dehaynin

Réactions et informations sur l'actualité politique de la ville de Wasquehal, du canton, du département et de la région ainsi que de la politique nationale


Éloge funèbre de Patrick Roy à l'Assemblée Nationale

Publié par jérôme dehaynin sur 25 Mai 2011, 05:21am

Catégories : #France

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

M. le président. Madame Roy, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse et beaucoup d’émotion que nous avons appris, le 3 mai dernier, la disparition de notre collègue Patrick Roy. Son courage dans son dernier combat restera pour nous un exemple.

La République a perdu un législateur, un élu toujours disponible pour défendre ses valeurs. L’Assemblée nationale a perdu un député à la fois combatif et estimé.

Ce qui nous rassemble aujourd’hui, au moment de saluer une dernière fois celui qui fut des nôtres pendant neuf ans, c’est le respect. Le respect, sur tous les bancs de notre Assemblée, pour un élu dévoué à celles et à ceux qui lui faisaient confiance, pour un homme de cœur et de conviction qui s’est battu tout au long de sa vie battu.

Avec cette force qui anime ceux qui savent pourquoi ils marchent sur le chemin qu’ils ont choisi, il s’est battu pour les autres, pour ses concitoyens de Denain et d’ailleurs, pour l’égalité des chances, pour une société plus humaine.

Optimiste et généreux, Patrick Roy était aussi un réaliste, un de ces hommes scrupuleux et précis qui ne se paient pas de mots.

À l’issue de ses études universitaires, il était contrôleur de gestion. Son altruisme, son sens civique l’ont conduit à mettre ses capacités au service de la collectivité. En 1982, il choisissait de devenir instituteur et, neuf ans plus tard, il siégeait au conseil municipal de Denain et au conseil général du Nord. En 2002 enfin, il entrait dans cet hémicycle, avec cette sincérité, cette combativité qui, chez lui, n’ont jamais faibli.

Enfant de la méritocratie, fils de la République, il a voulu rendre à tous ce qu’il avait reçu d’elle.

Patrick Roy était de ceux pour qui la politique n’est pas séparable de la morale, d’une morale laïque et exigeante, faite de loyauté et de responsabilité. Député, Patrick Roy l’était donc avec passion, avec fougue, et même parfois avec excès.

Élu d’une circonscription durement éprouvée par les crises, il ne se sentait pas le droit de composer, de relativiser, de s’abandonner au scepticisme. Il protestait, il réclamait, et nous tous ici avons connu ces moments où « un homme en colère », comme il se définissait lui-même, venait présenter ses doléances et ses propositions. Un tel élu, un tel militant ne pouvait laisser indifférent.

En bon républicain, toutefois, Patrick Roy connaissait aussi les vertus de l’écoute. Il aimait la confrontation des idées, mais dans le dialogue et le respect d’autrui. Toujours prêt à l’échange, à l’échange contradictoire, mais toujours la fraternité au cœur, Patrick Roy n’avait nullement le goût des vaines polémiques.

La politique, chez lui, avait pour synonyme l’argumentation. Il savait ce qu’il voulait, il connaissait les dossiers, il ne parlait jamais sans avoir examiné le problème avec attention. Sous sa veste rouge, le contrôleur de gestion était toujours là, voulant des chiffres, des faits, se montrant précis et capable de défendre pied à pied d’impressionnantes séries d’amendements.

Au Palais-Bourbon, l’instituteur qu’il fut pendant plus de vingt ans compta parmi les défenseurs inlassables de l’école républicaine. « L’école est le ciment qui unit chaque Français », déclarait-il dans l’hémicycle le 20 janvier 2004.

Ses plaidoyers pour l’école ne laissaient personne indifférent, parce qu’ils étaient pleins de vie et de verve, bien sûr, mais aussi parce que cette école que défendait Patrick Roy se situe au croisement de nos préoccupations les plus fondamentales : la laïcité, l’égalité des chances, l’éducation à la citoyenneté.

Et je ne voudrais pas, dans cette énumération, oublier la diversité culturelle, car Patrick Roy, c’était aussi la musique, le rock métal en particulier, qu’il aimait avec ardeur et qu’il aura fait découvrir à bien des députés.

Travailleur acharné, Patrick Roy était aussi assidu en commission que dans l’hémicycle. En 2007, il présidait le groupe d’études parlementaire sur l’amiante, puis, en 2009, la mission d’information de la commission des affaires sociales sur la prise en charge des victimes de ce matériau toxique dont il avait étudié les effets dévastateurs.

Attentif à la vie, à l’avenir et à la santé des autres, Patrick Roy fut lui-même frappé, en pleine maturité, au milieu de ses combats, par l’injustice de la destinée.

Au moment de lui rendre hommage, je ne peux évoquer son nom sans admirer son courage devant la maladie, ce courage qu’il a eu à cœur de transmettre à ceux de nos concitoyens souffrants qui suivent nos travaux.

Fidèle à lui-même, il a lutté avec ses armes – sa fermeté, sa solidité, son optimisme –, jusqu’au bout de la route. Avec sa force de caractère, que nous saluons tous ici, il a su un moment inverser le sort. Avec lui, nous avons voulu espérer quand, sorti de l’hôpital, ce député au courage exemplaire est revenu au Palais-Bourbon, exercer son mandat d’élu de la Nation.

Le 15 mars dernier, ici même, à la place qui était la sienne, alors qu’il côtoyait la souffrance depuis de longs mois, ce n’était pas la révolte, ni l’amertume, qui se lisaient sur son visage, mais quelque chose d’infiniment humain.

Avec sincérité, avec dignité, c’est au nom de « millions de victimes » qu’il avait tenu à témoigner. Avec des mots simples, et d’autant plus touchants qu’ils étaient simples, Patrick Roy nous a rappelé la vraie nature de l’Assemblée nationale, ce lieu de pouvoir qui est aussi un lieu d’ouverture et d’humanité où l’on peut être, tel qu’il se définissait, « un opposant farouche » sans renoncer à dire : « Je vous aime, toutes et tous ».

Je voudrais maintenant donner une dernière fois la parole à Patrick Roy, pour que nous sachions nous souvenir de son dernier message. « La vie est vraiment belle », nous a-t-il dit, avant d’ajouter : « Je suis très fier d’appartenir à cette belle démocratie française. »

Patrick Roy, nous sommes fiers de vous avoir connu.

À vous, madame, à son fils Kevin, à toute sa famille, à ses camarades du groupe socialiste, radical et citoyen, à tous les siens, j’adresse, au nom de tous les députés de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Chère Geneviève, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le 3 mai dernier, Patrick Roy nous quittait. C’était un mardi, jour de séance des questions au Gouvernement, ces séances qu’il appréciait tout particulièrement et qui lui permettait de questionner le Gouvernement avec force, au point qu’il s’est fait connaître comme « le député à la veste rouge ». Derrière cet emblème, traduction de colère parfois et d’humour souvent, se cachait un homme d’une grande délicatesse dans son rapport aux autres, d’une sincérité profonde dans son engagement politique et d’une générosité sans faille.

Contrôleur de gestion, en 1977, d’une entreprise près de Cambrai, il préfère très vite se mettre au service des autres. Diplômé de l’éducation nationale, il devient instituteur à partir de 1983 et le restera près de vingt ans. Un goût affirmé pour la chose publique, un cœur bien ancré à gauche le poussent vers la politique. Il s’implique au sein du parti socialiste et devient secrétaire de section à Denain, en 1995. Mais Patrick Roy veut s’investir plus avant au service de ses concitoyens, au service de sa ville de Denain durement touchée par la désindustrialisation. Il aspire à participer à sa gestion et devient adjoint au maire en 2001 puis conseiller général. Sa carrière politique commence alors et prend rapidement de l’ampleur. Le 16 juin 2002, il est élu député de la dix-neuvième circonscription du Nord ; il est réélu à l’Assemblée nationale le 17 juin 2007. En mars 2008, il devient maire de sa chère ville de Denain. Il s’identifie à son territoire et se fait l’ambassadeur de Denain à Paris. Il se bat pour la survie de cette région sinistrée. Il répétait souvent – combien de fois l’avons-nous pas entendu ici ! – que ses dossiers prioritaires étaient le chômage, l’emploi, les petits retraités, le logement. Nous le sentions fiers de représenter ses concitoyens du Nord.

Mais sa préoccupation des autres le portait au-delà de sa région, vers l’ensemble des Français. À l’Assemblée nationale, il présidait le groupe d’études sur les conséquences de l’exposition à l’amiante. Il intervenait régulièrement sur ce délicat dossier. Cette question lui tenait à cœur et il faisait assidûment en sorte, comme sur d’autres sujets, d’être au quotidien le porte-parole des sans-voix.

Patrick Roy est également connu pour un autre de ses combats, comme vient de le rappeler le président de l’Assemblée nationale, un combat particulier qui peut paraître décalé dans cette enceinte, une cause qui lui était chère, le rock métal : une musique, disait-il, très injustement mal connue, extrêmement créative mais au mieux ignorée, au pire diffamée. Permettez-moi de m’attarder sur ce point, car lui rendre hommage, c’est aussi évoquer la diversité de l’offre musicale dans le service public, qui semble ignorer le rock métal. « Le rock métal est injustement méprisé par les médias », disait Patrick Roy le 15 mars dernier, lors de cette séance qui restera gravée dans nos mémoires, ce jour où un homme politique, un député est venu dans l’hémicycle délivrer un message d’amour, pour reprendre ses propres termes.

Nous le savions malade, nous le croyions perdu en cette fin d’année 2010. Puis un nouveau traitement lui a donné une exceptionnelle et nouvelle force de vie. Nous avons cru avec lui, avec ses amis, avec Geneviève, nous avons voulu réellement y croire, tant son enthousiasme était communicatif.

Ce laps de temps, tombé du ciel alors que tout semblait perdu, il l’a mis à profit pour dire son amour des gens, de la vie, pour dire au revoir aux siens, à ses amis, à ses adversaires, à tous ceux qui le faisaient se sentir vivant. Jusqu’à la fin, il est resté debout, tourné vers les autres.

Dans son message du 15 mars, au-delà de son cas personnel, il parlait pour toutes les personnes qui se battent contre la maladie. Il déclarait : « Face à la mort redoutée, il y a la vie espérée. Ce souffle, vous me l’avez tous donné. Il faut aussi le donner aux millions de victimes qui, comme moi, luttent pour la vie. La vie est tellement belle. Ces victimes, aimez-les, aimons-les, entourons-les : le cœur accomplit des miracles. »

En tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, je tiens à saluer la mémoire du parlementaire assidu qu’il était, investi jusqu’au bout dans sa mission avec une énergie et un courage exceptionnels. Homme de convictions, Patrick Roy était un adversaire pugnace pour nous, sans concessions, mais constructif. Je salue le militant sincère et dévoué au socialisme qui avait une haute idée de la politique, les différences n’empêchant ni l’estime ni le respect ni même l’amitié.

C’est avec dignité et optimisme – un optimisme à toute épreuve – qu’il a fait face à la maladie qui l’a emporté. Patrick Roy n’a jamais abdiqué, il était un exemple de courage – courage partagé par sa famille, son épouse Geneviève et son fils Kevin. C’est dans le cœur de chacun des hommes et des femmes dont Patrick a marqué le destin qu’il laissera pour toujours son empreinte.

En 1903, à Albi, dans son discours à la jeunesse, Jean Jaurès affirmait : « Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille. » Patrick Roy a eu ce courage.

À ses collègues du groupe socialiste, à ceux de la commission des affaires sociales, à vous, Geneviève et à vous, Kevin, à toute votre famille je présente, au nom du Gouvernement, mes plus sincères condoléances.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

M. le président. Je vous remercie.

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